mardi 21 décembre 2010

La Chine à la conquête des télécommunications

La Chine à la conquête des télécommunications

En 2005, le chinois Lenovo avait racheté la division "matériel" de l'inventeur américain du PC, IBM. Cette opération avait marqué les esprits, à juste titre : elle illustrait à merveille la déferlante chinoise sur le high-tech. Désormais, il ne faut plus seulement parler de la Chine comme de l'usine du monde, car elle ne se contente plus de fabriquer. Elle invente. Face à cette situation, certains experts
de la sécurité tirent la sonnette d'alarme : le Parti communiste pourrait un jour être en mesure d'espionner efficacement les télécommunications.

En 2011, la Chine dépassera les États-Unis et le Japon en nombre de brevets déposés. Depuis 2003, le volume annuel de brevets déposés par des entreprises chinoises augmente de 26 % chaque année. C'est cinq fois plus que les firmes américaines. À ce rythme, la Chine prendra en 2013 la première place. L'équilibre des royalties, payées par toute entreprise voulant utiliser le brevet d'une autre, en sera assurément transformé. La Chine, nouveau cerveau du monde ? La Silicon Valley en tremble déjà.
Foxconn, bientôt 1,4 million d'employés
Même lorsqu'elles se contentent de fabriquer pour le compte d'entreprises occidentales, les firmes chinoises s'éloignent du cliché qui veut que la qualité soit médiocre. Les géants de l'empire du Milieu savent depuis longtemps fabriquer rapidement des produits très complexes, sans aucun défaut. Pour preuve, la chaîne d'assemblage de l'iPhone 4, bijou d'Apple et concentré de composants dans quelques centimètres cubes, est confiée à Foxconn. Ce géant taïwanais emploie près d'un million de personnes dans ses usines chinoises, notamment près de Shenzhen. Il travaille, en outre, avec HP et Dell, et a annoncé pas moins de 400.000 embauches pour 2011. Qui dit mieux ?
Moins célèbres, deux autres géants méritent le détour : Huawei et ZTE. Inconnus en Europe, ils sont pourtant des mastodontes des télécoms dans le monde. Ils signent des partenariats avec les grandes marques, comme Orange, qui achète des terminaux à bas prix pour les vendre sous son nom. Au palmarès des vendeurs de mobiles, ZTE est devant le canadien RIM et ses très populaires BlackBerry. Les deux ennemis chinois sont aussi des acteurs majeurs sur le marché des infrastructures de télécommunications. Routeurs, cartes réseau, antennes-relais ou encore clés 3G : rien ne leur échappe, au grand dam des géants américains et européens comme Cisco, Alcatel-Lucent ou Nokia-Siemens.
OPA sur les télécoms
À ce rythme, dans quelques années les fabricants chinois pourraient avoir un quasi-monopole sur les équipements de télécommunications. Cela inquiète les experts de la sécurité, qui craignent que la Chine n'en profite pour espionner les échanges de données. En camouflant des renifleurs dans les équipements, rien de plus facile... "Réflexe protectionniste", juge ZTE. Il n'empêche qu'un rapport du congrès américain apporte la preuve que ces craintes sont fondées.
En effet, selon la commission parlementaire chargée des relations commerciales et de sécurité entre la Chine et les États-Unis, la Chine a détourné Internet vers ses serveurs pendant au moins dix-huit minutes. En plein mois d'avril 2010, les ingénieurs de China Telecom ont modifié le "score" de leurs routeurs, indiquant aux ordinateurs du monde entier qu'il était plus rapide de passer par la Chine que par un autre chemin pour faire transiter des données. Résultat, une partie du trafic Internet mondial est passé pendant quelques minutes par les serveurs chinois. L'occasion rêvée pour scanner et analyser les informations. Certes, ce n'était que dix-huit minutes, mais les experts s'accordent à dire qu'il s'agissait là d'un test grandeur nature.
Un pouvoir inquiétant
L'immense majorité des données sur Internet ne sont pas chiffrées, et quand elles le sont, il suffit d'un bon calculateur pour casser le verrou. Justement, quelques semaines plus tard, la Chine a présenté Tianhe-1A, le supercalculateur le plus puissant du monde. Ses 2,566 petaflops ont pu être atteints grâce aux processeurs combinés des américains Intel (Xeon) et Nvidia (Tesla). Avec une puissance équivalente aux deux calculateurs américains additionnés qui le suivent dans le classement mondial, Tianhe-1A est l'outil rêvé pour scanner massivement le trafic internet à la recherche d'informations pertinentes, et pour casser d'éventuels codes de cryptage. 
Mais tout est relatif : les constructeurs et opérateurs télécoms opérant sur le territoire américain sont aujourd'hui obligés, en vertu du Patriot Act, de fournir toute information demandée par une agence de renseignements fédérale, quelle que soit la nationalité de la cible. L'espionnage des communications ne sera donc pas nouveau : il changera de mains.
Deux ingénieurs dans la salle consacrée au supercalculateur Tianhe-1A © Zhou Wei / ChinaFotoPress / Maxppp

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