"Le sujet, vaste, polémique, technique, passionné, angoissant, mérite mieux qu'un traitement partisan, simpliste, opportuniste ou intéressé" (Sacha).
Le sujet est posé dans les commentaires (particulièrement nombreux) en trois temps : nous avons choisi, en France, ailleurs, l'énergie nucléaire en connaissant le degré de ses dangers potentiels, le cauchemar se produit, que faire de la souffrance dans les projets ?
Le débat sur la pertinence de l'option nucléaire reste tel qu'en lui-même, comme figé depuis les décisions prises à la fin des années 1970. D'un côté, les "réalistes" : "Oui, le nucléaire est sale, mais quelle solution viable avons-nous (je ne parle pas des solutions alternatives qui ne sont que des appoints et dont le bénéfice se limite surtout à notre bonne conscience) ?" (Toto21). C'est le premier argument des tenants du nucléaire : il n'y a pas d'autre solution suffisante. L'idée semble si claire que sa contestation provoque des sarcasmes : "Sortir du nucléaire ? D'accord, mais on le remplace par quoi ? On fait tourner nos usines avec des panneaux solaires ? On ressort la chignole à main ? Et les bougies ? Car la demande et le prix du pétrole vont bien sûr exploser. Au rancard le tracteur agricole, rachetez le bon vieux cheval et apprenez aux vaches la traite manuelle, et serrez-vous la ceinture !" (gepadsou). Suivent trois arguments complémentaires : "De toute façon, il n'existe aucun système de production d'énergie de masse à risque zéro" - ni à pollution zéro -, "le danger du nucléaire existe, mais il est sûrement mieux maîtrisé que tout le reste" (méphisto), enfin en cas de démantèlement des centrales nucléaires, "bonjour le chômage et tout ce qui s'ensuit" (mands).
En face, les opposants à l'énergie nucléaire. "Quittons ce Titanic technologique", dit walter99, qui expose un argument économique : "Le nucléaire est l'électricité la plus chère, et de loin, quand on internalise les coûts astronomiques du stockage et reconditionnement périodique des déchets sur un million d'années. Et sans compter le coût astronomique des catastrophes." Première objection donc, le coût "réel" de l'électricité produite, jugé supérieur aux chiffres publiés. Deuxième objection, le degré insuffisant de maîtrise des installations "de conception ancienne", la "méconnaissance du vieillissement des réacteurs", "les déchets qui s'accumulent et dont nous ne savons toujours pas que faire" (EETFQJLS), autant de retards technologiques relatifs qui sont anxiogènes, et auxquels peut s'ajouter la préférence accordée au profit sur la prudence : "Le drame, c'est que ce scénario du pire avait été prévu par des sismologues japonais qui avaient détecté la vulnérabilité des centrales dans leur conception, et qu'on ne les avait pas écoutés. Probablement, les sociétés privées qui gèrent le nucléaire ont-elles préféré des solutions plus juteuses pour leurs actionnaires. Pari perdu" (Villain). Troisième objection, "la dépendance de la France pour le combustible" et sa conséquence regrettée, "exploitation des pays miniers avec des ravages écologiques et sanitaires" (ME Lille). Enfin, quatrième objection, d'autres solutions sont possibles : loin du nucléaire, du charbon et du pétrole, "énergies d'un autre temps", "si l'on se concentrait sur la géothermie, avec ne serait-ce qu'un dixième de la puissance captée, on pourrait créer 5 000 fois plus d'énergie que nous ne sommes capables d'en consommer. Si l'on se concentrait sur le soleil, il suffirait d'utiliser la moitié des espaces de toits des villes pour assurer notre consommation. Le vent est inépuisable, les courants marins aussi" (DD_isamu).
Alors, "vive l'indépendance et le confort énergétique que nous apportent les centrales nucléaires françaises" (méphisto) ? Ou "Au feu ! Au fou !" : "Les humains sont capables de dépenser des milliards de dollars et des tonnes de génie pour aller sur la Lune et sur Mars, mais ils sont incapables d'éteindre le feu atomique qu'ils ont allumé sur notre Terre" (godzilla).
L'émotion déclenchée par la catastrophe japonaise est vive, dans les débats. Combien d'offres spontanées d'hébergement d'étrangers, quand hier la tendance était plutôt à ne pas souhaiter leur présence chez soi. Combien de propositions d'aide, de suggestions techniques... Le séisme et le tsunami, violences de la nature, mettent au présent la possibilité d'une mortalité à grande échelle dans le monde. Les faits s'enfoncent dans une profondeur mythologique, l'homme prométhéen - "l'homme créateur aux projets grandioses, défis gigantesques contre lui-même, contre les éléments" (Geocat) - usurperait un feu pour son développement technologique et serait soumis au châtiment de sa démesure...
La démesure, c'est alors le "toujours plus" de la société capitaliste : "Les centrales nucléaires font vivre la société de consommation avide d'électricité. Nous sommes sur la pente décadente que nous impose le système planétaire néolibéral capitaliste d'aujourd'hui" (hwp290). "Constatez ce que peuvent faire le profit et le confort à tout prix... Nous devons reconsidérer l'ordre mondial établi, le système actuel doit être dans la phase culminante" (Жуков). "L'être humain, apprenti sorcier, aura réussi à détruire la planète Terre au nom du progrès et de son illusoire confort" (Frankiz). "Le capitalisme et la gloire sont-ils plus importants que la survie de la Terre ?" (Patrice). "Nous devrions maintenant nous abstenir de jouer avec un feu que nous sommes bien loin de maîtriser" (JeffT). "La vie est dangereuse, certes, mais est-ce une raison suffisante pour la rendre plus dangereuse au nom de la science, du progrès et de l'acceptation d'un consumérisme forcené ? La guerre est dangereuse : est-ce une raison pour la faire ?" (ordonques).
On cherche alors des "humanistes" pour "dire non aux grands prêtres de la finance internationale et remettre l'homme au centre des préoccupations principales de la vie économique" (Charly 10). On rappelle des propos jugés sages, depuis le temps de Géronimo - "Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été pêché, alors on saura que l'argent ne se mange pas" (cité par Daniel1131) - jusqu'à celui d'Einstein - "Le progrès technique est comme une hache qu'on aurait mise dans les mains d'un psychopathe", comme pour montrer que la nature humaine a une folle propension à se perdre en ambitions mortelles.
Malgré tout, la confiance dans le progrès reste vivace. La confiance dans la capacité de l'homme à résoudre les problèmes qu'il crée, aussi : ces centrales, on peut les maintenir "en les sécurisant de plus en plus" et "on accepte les risques qu'elles induisent. La solution ne serait-elle pas de mettre le paquet sur la recherche fondamentale afin de trouver une solution médicale efficace pour lutter contre les conséquences terribles de la radioactivité ? On a bien éradiqué le choléra, la peste et autres gentillesses de la nature" (Mands).
Un approfondissement national du débat, amorcé ici, sur le bien-fondé de l'option nucléaire dans le développement énergétique est fortement souhaité, même si on sait bien qu'en raison de sa "complexité technique", "il sera difficile de répondre par oui ou par non" (Regal).
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