mardi 1 février 2011

RASSEMBLEMENT - L'Égypte marche contre Moubarak

RASSEMBLEMENT - L'Égypte marche contre Moubarak

Les Égyptiens se sont rassemblés mardi au Caire par dizaines de milliers dans une ambiance de kermesse pour une journée de manifestations monstres que l'opposition
espère décisive, après une semaine de révolte sans précédent pour exiger le départ du président Hosni Moubarak. L'armée égyptienne - l'un des deux piliers, avec la police, du régime autoritaire du président Moubarak au pouvoir depuis 30 ans - s'est engagée à ne pas faire usage de la force, jugeant les revendications du peuple "légitimes".

Le mouvement de contestation, du jamais-vu depuis l'arrivée au pouvoir de Hosni Moubarak en 1981, a débuté le 25 janvier et a fait au moins 125 morts et des milliers de blessés. L'annonce, lundi, d'un nouveau gouvernement renouvelé de moitié et celle du vice-président Omar Souleimane de l'ouverture immédiate d'un dialogue avec l'opposition n'ont pas entamé la détermination des manifestants.
Foule
Malgré le couvre-feu, nombre d'entre eux ont passé la nuit sur la grande place Tahrir (place de la Libération), épicentre du mouvement, et mardi matin, beaucoup d'autres arrivaient par petits groupes, en minibus ou en taxi, pour cette journée baptisée "marche du million" de personnes. En fin de matinée, la place était noire de monde, et les manifestants continuaient à affluer. 
Dans la foule, les enfants jouaient à la guerre, tandis que les adultes échangeaient le bon mot du jour : "Moubarak s'en va, nous, on reste !" Les passants applaudissaient à la vue de deux mannequins représentant le raïs pendu, avec l'étoile de David sur sa cravate et des liasses de dollars dans les poches. Couché par terre, faisant le mort, Tarik Chabassi, crie : "La liberté ou la mort ! Je suis prêt à rester là dix, vingt ou trente ans. Mourir pour moi ne signifie rien, puisque je suis mort il y a trente ans, quand Moubarak est arrivé au pouvoir." 
Des hélicoptères survolent régulièrement le centre du Caire, et l'armée a fermé mardi matin les accès à la capitale et à d'autres villes. L'autoroute reliant Alexandrie - la deuxième ville d'Égypte, sur la Méditerranée - au Caire était bloquée à un kilomètre de la capitale par un barrage de l'armée. Le trafic ferroviaire est interrompu depuis lundi sur décision des autorités. Une autre manifestation géante était prévue à Alexandrie.
Moubarak appelé à se retirer
Les manifestants répondent aux appels d'organisations pro-démocratie issues de la société civile, soutenues par des personnalités comme le Prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei, par une partie de l'opposition laïque et par les Frères musulmans, la force d'opposition la plus influente du pays. Mohammed El Baradei a prévenu que, si le président "veut vraiment sauver sa peau, il ferait mieux de partir". "Quand un régime retire complètement la police des rues du Caire, quand les casseurs font partie de la police secrète pour essayer de donner l'impression que, sans Moubarak, le pays plongera dans le chaos, c'est un acte criminel. (...) S'il veut sauver sa peau, il ferait mieux de partir", a estimé l'opposant dans une interview publiée mardi dans le journal britannique The Independent
Mardi matin, le Fonds monétaire international s'est dit prêt à aider l'Égypte à reconstruire son économie. "Le FMI est prêt à aider à concevoir le type de politique économique qui pourrait être mise en place", a déclaré son directeur, Dominique Strauss-Kahn. Au Caire, 50 organisations égyptiennes de défense des droits l'homme ont appelé le président Moubarak à "se retirer" du pouvoir pour "éviter un bain de sang". 
Pour diffuser leurs appels, les manifestants comptaient sur le bouche-à-oreille, l'Internet restant bloqué et le service de messagerie mobile perturbé. Le dernier fournisseur d'accès à Internet qui fonctionnait encore en Égypte a été bloqué lundi. Mais Google a annoncé avoir mis en place avec Twitter un système permettant aux Égyptiens d'envoyer des messages sur le site de microblogs par téléphone.
Contrecoups
La Maison-Blanche a appelé au calme avant les marches géantes prévues en se disant satisfaite de la "retenue" dont ont fait preuve jusqu'à présent, selon elle, les forces égyptiennes. Les ministres européens des Affaires étrangères ont appelé à des "réformes démocratiques substantielles", et le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, a demandé une "transition pacifique". En Iran, le chef de la diplomatie Ali Akbar Salehi a estimé que la révolte en Égypte allait aider à créer "un Moyen-Orient islamique" et a dénoncé les ingérences américaines dans le mouvement populaire "en quête de liberté". 
Après une semaine de mobilisation sans relâche, les contrecoups économiques de la révolte se font sentir. Les touristes, l'une des principales sources de revenus pour l'Égypte, ont renoncé à venir. Banques et Bourse étaient fermées, le carburant manquait et l'appel à la grève générale était toujours en vigueur. Après Moody's lundi, l'agence de notation Standard and Poor's a abaissé d'un cran la note de l'Égypte.
LEPOINT.FR

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