«C'est la première fois en 29 ans qu'on réussit à guérir un patient», explique Jean-Pierre Routy, hématologue au Centre universitaire de santé McGill. L'été dernier, au Congrès international sur le sida de Vienne, il a rencontré les auteurs de l'étude, parue dans Blood.
«Quand ils ont dévoilé en 2008 le cas du patient de Berlin, ils s'étaient limités à dire que le virus n'était pas revenu. Maintenant, ils utilisent le mot guérison. C'est fort.»
En 2006, les hématologues allemands ont traité Timothy Ray Brown, un Américain de 44 ans qui vit à Berlin, pour une leucémie. Ils lui ont fait une greffe de moelle osseuse. Par chance, ils ont trouvé un donneur compatible qui avait une caractéristique génétique rare: l'absence d'un récepteur cellulaire le rendait invulnérable au sida.
«Une personne sur 800 a ce type de gène, dit le Dr Routy. Si on veut trouver un donneur de moelle compatible, on passe à 1 personne sur 1 million. On ne peut pas utiliser cette technique à grande échelle. De plus, c'est trop risqué pour les patients qui n'ont pas la leucémie, parce que 5% des patients ne survivent pas à la greffe.»
L'avancée allemande sera cependant utile. «Nous allons décomposer les différentes étapes de la technique et peut-être pourrons-nous appliquer ces connaissances à de nouveaux traitements, dit le Dr Routy. Et ça rend plus légitimes les recherches sur l'éradication du sida. Nous avions fait une étude clinique dans ce but il y a trois ans, et les collègues nous regardaient de haut. Maintenant, l'éradication du sida est un concept accepté.»
Le fait que la guérison soit le résultat de travaux d'hématologues crée toutefois des frictions. «Le traitement n'a pas été inventé par des spécialistes du sida, le groupe de chercheurs les plus sérieux dans le domaine, dit le Dr Routy. Je crois que ç'a suscité une résistance à l'idée de l'éradication. On ne voulait pas donner de faux espoirs aux patients. Les Allemands ne connaissaient pas grand-chose au virus, ils ont réussi en appliquant le bon sens. Ç'a pu irriter certains chercheurs qui ont passé leur carrière à étudier le VIH.»
source:La presse canadienne
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