mercredi 29 décembre 2010

Un microscope pour voir Mars de plus près

Mario Talbot, ingénieur électrique responsable du projet, et... (Le Soleil, Patrice Laroche)
(Québec) A priori, l'exploration spatiale est spontanément associée aux
télescopes, ou à tout autre instrument qui permet de détecter quelque chose à distance. Mais à l'Institut national de l'optique (INO), c'est un microscope 3D qui a été mis au point cette année pour une éventuelle mission sur la Lune ou sur la planète Mars.

«Sur l'échelle de Technologie Readiness Level [TRL], habituellement pour arriver à un vol spatial, il faut atteindre un TRL de 6, et une fois que le vol a été fait, le TRL atteint 7. Nous, ce qu'on a fait cette année, c'est de [partir du concept sur papier] et de l'amener à un TRL entre 4 et 5. L'idée, c'est de rendre le prototype assez prêt pour le déployer dans des missions analogues [soit sur des sites qui ressemblent beaucoup à ce qu'on peut trouver sur Mars, N.D.L.R.]», explique le physicien François Châteauneuf, gestionnaire du programme de technologie spatiale à l'INO.
Le microscope 3D lui-même, du moins dans son principe de fonctionnement, avait été mis au point il y a quelques années déjà. «C'est assez simple», dit l'ingénieur électrique Mario Talbot, responsable technique du projet. «On projette un patron de lignes parallèles sur un objet, puis on regarde d'un autre point de vue, avec une caméra. Alors, si l'objet a un relief, les lignes vont être déformées.» En déplaçant le patron de ligne graduellement tout en prenant des images des déformations, on obtient une image en trois dimensions de l'objet ainsi scanné.
La meilleure résolution que peut fournir le microscope est de deux microns (millionième de mètre) par pixel - c'est-à-dire que chaque petit carré de couleur qui compose une image correspond à une surface de deux microns par deux microns. Pour avoir l'information sur le relief, cependant, l'appareil doit passer en «basse résolution», comme disent MM. Châteauneuf et Talbot - ce qui, à quatre microns par pixel, est une notion très relative...
Un prototype de microscope avait d'abord attiré l'attention d'un professeur de génie aérospatiale de l'Université York, Michael Daly, qui était de passage à l'INO. Celui-ci, se souvient M. Châteauneuf, a ensuite chaudement recommandé à l'Agence spatiale canadienne d'appuyer son développement.
En effet, maintenant que l'on envoie des rovers jusque sur la planète rouge, l'idée d'y joindre un microscope 3D n'est plus si farfelue. Même qu'elle peut se révéler extrêmement utile.
«La structure 3D des minéraux peut révéler leur origine, dit M. Châteauneuf. Tu peux avoir différentes origines, comme du magma qui est remonté à la surface, ce qui va donner certaines caractéristiques tridimensionnelles, comme des arêtes qui sont beaucoup plus fines, ou des cavités qui sont à l'intérieur de la roche parce que des gaz étaient prisonniers à l'intérieur du magma, et quand ce gaz-là s'évapore au moment où la roche se solidifie, ça laisse des cavités.»
De même, ajoute-t-il, si des arêtes arrondies suggèrent que le minéral a été érodé par un liquide - ce qui pourrait trahir la présence passée d'eau.
«Et l'aspect peut-être le plus intéressant, ou en tout cas qui fait le plus rêver, est que tout ce qui est microorganisme se trouve à cette échelle-là [d'environ quatre microns]», enchaîne M. Talbot.
Afin de passer du concept sur papier à un prototype pouvant être remis à la compagnie spatiale MDA - qui se charge de pousser encore plus loin son développement et de l'intégrer à des modèles de rovers -, l'équipe de l'INO a dû surmonter quelques difficultés, cependant.
«Le défi, dit M. Talbot, comme on vise une mission spatiale, c'est surtout le poids, la taille et le volume. Donc, on a essayé de rapetisser le microscope par le design [...] grâce à un système de miroirs et de lentilles.» Ceux-ci font en sorte que la lumière voyage sur une certaine distance dans le microscope, mais que son trajet décrit plusieurs virages de manière à rendre l'ensemble plus compact que si la lumière empruntait une ligne droite.
«C'est pratique pour le poids, mais le fait de compacter le tout rend aussi le microscope plus robuste pour résister au décollage et à l'atterrissage», dit M. Talbot.

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