Définitivement adoptée le 8 février 2010, la loi d'orientation sur la sécurité intérieure, ou Loppsi 2, autorise "l'expérimentation", pendant trois ans, de scanners corporels dans les aéroports (articles 25 de la loi et L282-8 du Code de l'aviation civile). Ces outils de détection d'armes projettent des "ondes millimétriques" sur le corps du passager, ondes qui traversent ses vêtements et reproduisent une image virtuelle en trois dimensions ("image holographique") de son corps. L'agent de sécurité peut donc voir instantanément s'il cache une arme ou de la poudre d'explosif. La commissaire européenne pour la justice, Viviane Redding, a toutefois indiqué que ces dispositifs pouvaient être remplacés par des méthodes moins intrusives pour la vie privée. De son côté, le Parlement européen a demandé à la Commission européenne de réaliser une étude d'impact au regard des droits fondamentaux, y compris le droit à la vie privée, la dignité et la protection des données personnelles. Cette étude vise également à analyser les conséquences des scanners corporels sur la santé des personnes.
Comment concilier le besoin de sécurité des passagers avec le respect de leur intimité physique ? Décryptage avec Olivier Proust, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles.
Le Point.fr : En quoi le scanner corporel peut-il porter atteinte à la vie privée ou à la dignité du passager ?
Olivier Proust : Cela dépend du modèle de scanner corporel utilisé. L'image scannée n'atteint certes pas le degré de précision d'une photo (les cheveux ou les détails de la peau, par exemple, n'apparaissent pas) mais l'image reproduite est bien celle d'un corps nu. Les passagers pourraient se sentir violés dans leur intimité la plus sacrée, à savoir le respect de leur corps. Un tel dispositif ne devrait donc pas être mis en place sans d'importants garde-fous.
Justement, la Loppsi 2 prévoit-elle des garde-fous ?
Oui. Les fouilles et visites par scanner corporel ne peuvent être réalisées qu'avec le consentement préalable du voyageur. En cas de refus, le voyageur doit être soumis à un autre dispositif de contrôle. L'image reproduite sur le scanner doit brouiller le visage des voyageurs, et l'analyse des images visualisées doit être effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l'identité de la personne.
Les scanners corporels ne doivent pas non plus porter atteinte aux droits et libertés fondamentales des individus. Certaines personnes jugées plus "vulnérables" pourraient être exclues de ce type de contrôle (ex. : les mineurs, les personnes âgées, les malades ou les personnes handicapées). En tout état de cause, la loi exige que l'utilisation des scanners corporels s'accompagne d'une information claire et précise sur la finalité et les conditions d'utilisation de ces machines. Certains constructeurs proposent aujourd'hui des modèles de scanners corporels moins intrusifs qui représentent le corps humain de manière opaque et indiquent par une croix rouge l'endroit où apparaît un objet suspicieux.
Comment se feront le stockage et l'utilisation des images ?
La conservation des images scannées dans une base de données ne semble pas se justifier, puisque l'agent de sécurité qui procède au contrôle a surtout besoin de visionner l'image scannée d'un passager avant que celui-ci monte dans un avion. Par ailleurs, le stockage des images augmente le risque d'un accès frauduleux à la base de données ou d'une fuite des images. Récemment, c'est ce qui s'est produit aux États-Unis, avec les images d'individus scannés utilisées par les employés fédéraux d'un tribunal de Floride. L'interdiction de conserver les images scannées dans une base de données est donc un moyen de garantir la protection de la vie privée. Enfin, des mesures de sécurité physique et logistique doivent être mises en place pour éviter toute divulgation illicite des images : accès sécurisé à la cabine de visionnage et limité aux seules personnes habilitées, interdiction d'avoir des téléphones portables ou tout appareil de stockage, tels que clé USB ou disque dur externe dans la cabine, etc.
Un passager peut-il refuser de se laisser scanner pour des raisons personnelles ou de secret médical ?
Le scanner corporel peut en effet révéler certaines informations protégées par le secret médical (par exemple une prothèse, un implant mammaire, un sac de colostomie). D'après la loi Informatique et libertés, les données de santé sont des données sensibles qui ne peuvent être collectées sans le consentement de la personne. Dès lors, il paraît indispensable d'informer à l'avance les passagers, afin qu'ils puissent faire le choix libre et conscient de pénétrer, ou non, à l'intérieur d'un scanner corporel.
source:lepoint.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire