En mer de Marmara, des bulles de gaz s'échappent par des fissures ouvertes dans les zones sismiquement actives (Photo : Ifremer-Nautile/Marnaut 07).
Il y a eu en son temps la bouée-laboratoire Précontinent I, créée par le commandant Cousteau en 1965 au large de Marseille, ou les « maisons sous la mer » de l’architecte Jacques Rougerie. Aujourd’hui, les océanographes sont en train de concrétiser ce qui semblait à l’époque une utopie : l’accès permanent des chercheurs aux fonds sous-marins. Un projet qui était au cœur du colloque international que vient d’organiser l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) à Marseille.
En collaboration avec 13 pays européens, plus la Turquie, l’institut participe au réseau-projet d’excellence Esonet(European Seafloor Observatory Network), mis sur pied pour quatre ans (2007-2011). L’objectif de la réunion était de faire le point sur les 12 stations scientifiques, sous-marines et pluridisciplinaires, qui sont actuellement en cours d’installation au fond des eaux européennes, de l’océan Arctique à la mer Noire en passant par l’Atlantique et la mer de Marmara.
Au-delà de l’harmonisation nécessaire des méthodes et des instruments de mesure, les chercheurs en ont profité pour faire le bilan des expériences conduites dans quelques sites, plus avancés que les autres.Un télescope sous-marin au large de PorquerollesEn Méditerranée par exemple, dans la mer de Ligurie, des hydrophones permettent d’écouter le bruit des fonds sous-marins. Ils servent essentiellement à étudier la communication entre mammifères marins (baleines et dauphins), mais aussi à détecter les avalanches sous-marines comme il s’en produit dans le canyon du Var, et les craquements de la croûte terrestre.
Fort de cette expérience, Michel André, professeur de l’Université polytechnique de Barcelone (Catalogne) travaille d’ailleurs maintenant au large de Cadix, de la Sicile, au Canada et même au Japon.
Non loin de là, près de l’île de Porquerolles, à environ 20 km de La Seyne-sur-Mer (Var), est enfoui à 2400 m de profondeur un télescope sous-marin d’un genre particulier. Baptisé Antares, il sert à capter les « neutrinos », ces particules cosmiques qui, traversant la Terre de part en part, ressortent par les fonds sous-marins et se transforment en lumière grâce aux photomultiplicateurs.À Istanbul, étudier les gaz pour prévenir un séisme« Profitant de cet immense filet, alimenté électriquement par un câble relié à la côte, nous avons installé une panoplie d’instruments mesurant en temps réel la température, la salinité, le taux d’oxygène et la vitesse des courants. Des données nécessaires au suivi du changement climatique, qui sont transmises ensuite par acoustique – une sorte de WiFi sous-marin – jusqu’à la station en bord de mer », explique Christian Tamburini, océanographe au CNRS.
S’y ajouteront bientôt des instruments destinés à mesurer les courants des fonds marins, qu’on négligeait jusqu’à maintenant et s’avèrent être plus importants qu’on ne le pensait.
Autre site stratégique : la station d’observation sismique permanente des fonds marins de la mer de Marmara, au sud d’Istanbul, où passe la faille nord-anatolienne. Les sismologues attendent en effet à cet endroit un séisme de grande ampleur d’ici à 2040.«Les expériences sous-marines durent désormais dix à vingt ans»Par chance, le segment intact de cette faille – la dernière secousse avait engendré le séisme d’Izmit, à l’est de la Turquie, qui a fait 20 000 morts en 1999 –, long de 60 km, passe sous la mer, au-dessus d’un champ pétrolifère et gazier. Des bulles de méthane remontent donc, plus ou moins régulièrement, du fond situé à –700 m.
« L’idée, c’est de mesurer très finement ces bulles (débit, dimension, composition), en espérant qu’une augmentation de leur émission pourra être un signe de l’initiation d’un séisme, qui n’est pas un phénomène qui se produit du jour au lendemain », explique Louis Géli, directeur du département géosciences à l’Ifremer. Ce projet unique au monde, issu d’une collaboration turco-européenne coordonnée par l’Ifremer, devrait coûter 12 millions d’euros.
Si les océanographes investissent de plus en plus les fonds marins, ce n’est toutefois plus en chair et en os comme on l’imaginait dans les années 1960 mais au moyen de capteurs automatisés et, s’il le faut, à l’aide de robots filoguidés, comme le Victor 6000. « D’autre part, les expériences sous-marines durent désormais dix à vingt ans et non plus seulement quatre ans », explique Ingrid Puillat, coordinatrice adjointe d’Esonet à l’Ifremer. Un point commun avec la conquête aérospatiale.
Avec un avantage, les chercheurs disposant désormais d’Internet pour transmettre leurs données, les images sont accessibles sur leurs sites au grand public…
source:la croix |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire