mardi 8 mars 2011

Chirac, une affaire sans fin

Chirac, une affaire sans fin
Jacques Chirac n'est pas venu. Son fauteuil capitonné en cuir vert est resté vide. L'ancien président de la République avait été dispensé d'assister à l'ouverture du procès des emplois fictifs à la Mairie de Paris, pour lequel il était appelé à comparaître pour "abus de confiance", "détournement de fonds publics" et "prise illégale d'intérêts". Il n'aura pas à se déplacer. Pas tout de suite en tout cas. Et peut-être même jamais. 

Mardi, au second jour des débats, le président du tribunal correctionnel Dominique Pauthe a renvoyé l'affaire, le temps que soit examinée une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), soulevée la veille par l'avocat de Rémy Chardon, ancien directeur de cabinet de Chirac à la Mairie de Paris. Le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, qui avait requis un non-lieu dans cette affaire au vu d'une "analyse détaillée des faits", et non, a-t-il tenu à souligner, pour des "considérations" liées à la personne "hors du commun" de Jacques Chirac, s'est associé à la démarche. De même que les avocats de Chirac, qui juraient la main sur le coeur de ne pas être à l'origine de la manoeuvre. Plus surprenant, Me Jerôme Karsenty, l'avocat de l'association Anticor, constituée partie civile, a suivi le mouvement, affirmant qu'il ne pouvait être fait la preuve de l'existence d'un "système Chirac" qu'à l'examen de l'affaire dans sa globalité.

Gain de temps

Dans cette affaire, dont l'épilogue a été retardé pendant 17 ans par une avalanche de recours des avocats de la défense aboutissant à une immunité présidentielle taillée sur mesure pour l'ancien chef d'État, la bataille juridique est repartie de plus belle. Et ce, dans un "contexte politiquement connoté", selon un avocat de la défense. Quant à savoir si le procès aura lieu un jour, rien n'est moins sûr. Mardi, Me Jean Veil, un des avocats de Chirac, a jugé "inenvisageable" d'examiner cette affaire dans la période électorale précédant la campagne pour l'élection présidentielle. Autrement dit, pas avant le deuxième semestre 2012.

Le dossier comporte deux volets, l'un instruit à Paris qui n'a jamais été jugé, l'autre à Nanterre, pour lequel Alain Juppé a été condamné à la prison avec sursis. Avec la grandiloquence qui lui est coutumière, Me Jean-Yves Le Borgne a estimé que le regroupement ou, plus précisément, la "connexité" des deux affaires avait provoqué
l'interruption de la prescription du volet parisien. Son client ne devrait, par conséquent, pas être jugé. Pour en avoir le coeur net, il a plaidé qu'il revenait au Conseil constitutionnel d'examiner ce contentieux. L'initiative ne manque pas de sel quand on sait que c'est la Cour de cassation qui fixe la jurisprudence en matière de prescription et qu'elle est chargée de filtrer les QPC avant de les transmettre, le cas échéant, au Conseil constitutionnel. Or, on voit mal comment la plus haute juridiction, qui a trois mois pour se prononcer, pourrait, en l'occurrence, se dédire. De surcroît, la QPC a pour objet de vérifier la conformité des lois avec la Constitution, et non la jurisprudence élaborée par la Cour de cassation. En attendant, la défense a marqué des points et, surtout, gagné du temps.

"Messieurs les gendarmes, faites votre office..."

Les débats avaient démarré lundi dans une ambiance de foire. Principale victime dans cette affaire, la Ville de Paris ayant décidé de se désister de sa constitution de partie civile, plusieurs associations et particuliers, contribuables parisiens, se sont substitués à elle pour obtenir réparation d'un préjudice que le juge d'instruction avait évalué à 4 millions d'euros. Les prises de parole ont poussé le président Pauthe à hausser le ton, en particulier quand un candidat à la constitution de partie civile a demandé la "récusation" du tribunal, deux de ses membres ayant été promus par Jacques Chirac, président de la République et à ce titre président du Conseil supérieur de la magistrature, a-t-il fait valoir. "Sortez !" a tonné le président. "Messieurs les gendarmes, faites votre office..." Il a de nouveau été fait appel à la force publique lorsqu'un contribuable a souligné que la QPC ne pouvait prospérer devant le Conseil constitutionnel, parce que Jacques Chirac en est membre et parce qu'il est présidé par Jean-Louis Debré, dont le frère, François, figure au nombre des prévenus.

L'examen du dossier a été renvoyé au 20 juin. "Nous verrons à cette date ce que la Cour de cassation a statué", a conclu le président Pauthe.

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