Hôtels vides, bazar déserté, guides désoeuvrés... Depuis le début de la révolte égyptienne contre le régime du président Hosni Moubarak le 25 janvier, Louxor n'est plus que l'ombre d'elle-même.
«Normalement, ce stationnement est plein de minibus», se désole Moussa Ebrahim devant l'entrée du temple de Louxor, sous l'oeil endormi d'un gardien avachi sur sa chaise.
«Économiquement, c'est grave. Les agents de voyage ne travaillent plus, personne ne vend plus rien», souffle ce guide. «Espérons que le dictateur partira et que les touristes reviendront», commente-t-il en tirant sur sa cigarette estampillée Cleopatra.
En cette saison, Louxor (sud) affiche habituellement complet. Mais le mouvement populaire contre le régime et les violences à travers le pays ont fait fuir les vacanciers. Aucun charter n'atterrit plus à l'aéroport.
Le long du Nil, des dizaines de bateaux de croisière sont à quai.
Du jamais vu depuis 1997, après le meurtre à Louxor d'une soixantaine de touristes par un groupe islamiste. La traversée du désert avait duré «quelques mois», se souvient Moussa Ebrahim.
Seule dans les ruines du temple avec quelques autres touristes égyptiens, la famille de l'Américaine Marie Jo Wolszon jubile.
«C'est le meilleur moment pour visiter cet endroit!» s'exclame la touriste originaire du Minnesota, venue rendre visite à sa fille installée au Caire avec son mari.
«Je n'ai pas eu peur» dans la capitale, malgré les grandes manifestations. Quant à Louxor, «c'est magnifique», et «nous sommes les seuls dans notre hôtel», dit-elle, tandis que ses petits-enfants admirent les hiéroglyphes.
A quelques encablures, dans le bazar, les échotiers jouent aux échecs en attendant meilleure fortune. Les étals regorgent de pyramides en cristal, de papyrus et autres porte-clés pharaons. Mais dans la longue ruelle ombragée baignée d'un lourd parfum d'épices, pas un touriste en vue pour marchander.
«Je suis prêt à casser mes prix», promet Pascal Mahouid devant sa boutique de souvenirs. «Cela fait quinze jours qu'il n'y a pas de business, c'est dur».
«Ce qu'ils font, c'est bien pour nos enfants», dit-il des protestataires de la place Tahrir, au Caire, épicentre de la révolte. «Mais ici on ne veut pas manifester, ça fait fuir les touristes».
Sur la route menant au temple de Karnak, l'un des plus célèbres sites de l'ère pharaonique, un char de l'armée veille.
Des manifestations de centaines de personnes ont eu lieu à Louxor contre le gouvernement, mais aucun incident grave n'a émaillé les rassemblements, selon des témoins. Seules les vitres cassées de la bibliothèque publique, parrainée par Suzanne Moubarak, l'épouse du président, témoignent ouvertement de la grogne locale.
A l'entrée du site de Karnak, le guichetier sursaute à l'arrivée d'un visiteur. Il n'a vendu que 40 tickets aujourd'hui.
Au pied d'un obélisque, Michael Mueller, 41 ans, et sa femme, Lisa, 25 ans, savourent le silence du lieu, d'habitude noir de monde.
Arrivés fin janvier en Égypte, ces touristes suisses, «activistes politiques» déclarés, montrent plus d'enthousiasme encore pour la cause des protestataires que pour les beautés du pays.
Début février, «nous étions à Hourghada (station balnéaire de la mer Rouge) et nous sommes retournés au Caire pour voir ce qui se passait place Tahrir», explique Lisa, même si «ma mère voulait que je quitte le pays».
«Nous irons peut-être à Assouan demain. Mais mon coeur est au Caire», confesse Michael.
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