Après l'échec de la dernière tentative de Walmart pour installer un magasin à New York, l'ancien PDG du géant de la distribution, Lee Scott, n'avait pas cherché à dissimuler sa frustration.
«Cela n'en vaut pas la peine», avait-il déclaré au New York Times en mars 2007. Il avait dénoncé non seulement l'opposition des syndicats new-yorkais à Walmart, mais également le snobisme des habitants de la métropole américaine.
«Voilà des gens qui se croient meilleurs que nous et ne veulent pas d'un Walmart chez eux», avait-il dit.
De toute évidence, son successeur, Mike Duke, ne voit pas la situation du même oeil. Selon lui, New York est aujourd'hui prêt à suivre Los Angeles et Chicago, deux des grandes villes américaines qui ont accueilli des magasins Walmart dans les dernières années après s'être longtemps opposées à leur venue.
Mais Mike Duke finira par connaître la même frustration que Lee Scott, s'il faut se fier à Stuart Appelbaum, président d'un syndicat qui représente à New York des travailleurs de supermarchés et de commerces de détail.
«Walmart n'est pas le type d'employeur que les New-Yorkais veulent dans leur ville. Les New-Yorkais comprennent que Walmart détruit les communautés et abaisse les normes. C'est pourquoi les gens de Walmart ont été rembarrés chaque fois qu'ils ont tenté de venir à New York», a dit le chef syndical à La Presse.
En 2007, les syndicats comme celui de Stuart Appelbaum avaient fait campagne contre Walmart aux côtés d'associations de commerçants et de plusieurs membres du conseil municipal. Cette coalition est de nouveau sur le pied de guerre depuis que les médias new-yorkais ont associé le nom du distributeur à un projet de centre commercial à East New York, un quartier populaire aux confins de Brooklyn.
Pour le moment, l'emplacement du projet n'est qu'un immense terrain vague près d'une centrale électrique et d'un centre commercial qui compte déjà quelques magasins de grande surface, dont Target et Home Depot.
Un sondage controversé
La semaine qui se termine donne à penser que la bataille de 2010 entre New York et Walmart sera plus âpre encore que celles de 2007 ou de 2005 (un représentant syndical ne parle d'ailleurs pas de bataille mais de «guerre»).
Mardi, le conseil municipal devait tenir une audience publique sur la venue possible de la chaîne à New York. La réunion a été reportée au 12 janvier en raison du trop grand nombre de groupes et de particuliers qui avaient demandé à être entendus.
«Nous avions besoin d'une plus grande salle», a expliqué la présidente du conseil municipal, Christine Quinn, qui s'oppose à la venue de Walmart à New York en raison de la façon dont le distributeur traite ses employés et de l'impact de ses magasins sur les commerces locaux.
La veille de la date prévue de l'audience, deux journaux de New York - Crain's et le New York Post- ont publié les résultats d'un sondage selon lequel 71 % des New-Yorkais approuvent la venue d'un magasin Walmart dans leur ville et 62 % des propriétaires de PME new-yorkais voient d'un bon oeil la présence de magasins Walmart dans les cinq agglomérations de la ville.
Les adversaires de Walmart ont eu tôt fait de mettre en doute la crédibilité du sondage, commandé par le distributeur lui-même.
«C'est de toute évidence un sondage bidon», a dit à La Presse Tom Angotti, professeur d'urbanisme au Hunter College. «Je suppose que l'on peut commander un sondage et obtenir le résultat que l'on veut. Je pense que c'est ce que Walmart a fait.»
Le sondage de Walmart n'a cependant pas été réalisé par le dernier venu: Doug Schoen a déjà travaillé pour plusieurs politiciens importants, dont l'ancien président Bill Clinton et le maire actuel de New York, Michael Bloomberg, lui-même partisan de Walmart. Quand on lui fait part des critiques soulevées par son sondage, Schoen prend un ton indigné et se met à réciter son curriculum vitae.
«J'adhère aux normes méthodologiques les plus rigoureuses, a-t-il déclaré lors d'un entretien téléphonique. Au milieu d'une récession écrasante et avec un taux de chômage élevé, le fait que près de trois New-Yorkais sur quatre veuillent un Walmart ne devrait surprendre personne?: la venue de la chaîne fournirait plus d'emplois, plus de revenus fiscaux, des prix plus bas et plus de choix pour les consommateurs.»
Un impact négatif
Doug Schoen n'est pas l'unique ex-employé de Michael Bloomberg auquel Walmart a fait appel. Le distributeur a également embauché l'ancien directeur de campagne du maire, Bradley Tusk, pour l'aider à coordonner ses activités de lobbying.
Richard Lipsky, qui se bat contre la venue de Walmart à New York au nom d'une association de commerçants, reconnaît que la campagne du distributeur a un «degré de raffinement supérieur» aux précédentes.
«Ils empruntent des thèmes chers au maire et même à la présidente du conseil municipal pour faire leur promotion. Ils parlent d'offrir à des quartiers mal desservis l'accès à des aliments frais, ils parlent de la récession chaque fois qu'ils en ont la chance. Mais cela ne change rien à la réalité. Au bout du compte, leur impact sur l'économie locale serait à notre avis plus négatif que positif», a déclaré Lipsky en entrevue.
Quant au promoteur new-yorkais qui conclurait une entente avec Walmart, il se retrouverait dans une situation dont il aurait à se repentir, selon Stuart Appelbaum, le chef syndical. Cela vaut notamment pour Related Companies, la société immobilière qui a obtenu le feu vert de la municipalité pour construire un centre commercial à East New York.
«Tout promoteur qui faciliterait la venue de Walmart à New York compromettrait sa crédibilité future, a dit Appelbaum. Il aurait plus de mal à obtenir l'appui des syndicats et des élus locaux dans ses projets. Les gens ne verraient pas ça d'un bon oeil.»
La Presse a tenté en vain de parler à un représentant de Walmart pour cet article.
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