L'idée de manger du poisson à Noël n'est pas, du reste, quelque chose de bien exceptionnel. En Provence, par exemple, c'est la tradition de faire le «gros souper» avant la messe de minuit, repas maigre qui comporte toujours du poisson, frais ou salé, comme la morue. Dans plusieurs pays d'Europe de l'Est, dont la Pologne, on sert la carpe à Noël. Les pays nordiques ne manquent pas de célébrer le hareng sous toutes ses formes (mariné, fumé, en sauce). Et en Espagne, on voue un culte à la dorade. La chef du Tapeo, Marie-Fleur St-Pierre, n'hésiterait pas à servir du poisson à Noël. Sa suggestion? Une grosse escabèche avec plusieurs sortes de poissons (sardines, maquereau) et des fruits de mer. On verse un bouillon chaud et vinaigré sur les poissons, ce qui achève leur cuisson. «Ça se garde deux ou trois jours au frigo. C'est vraiment pratique lorsqu'on reçoit plusieurs jours de suite.» Elle servirait également un pâté de sardines, un filet de maquereau tout simplement cuit à «broil» (peau vers le haut) pendant trois ou quatre minutes avec une réduction de clémentine, le fruit de la saison, ou encore un maquereau accompagné de boudin et de purée d'avocat. Marc-André Royal, propriétaire du premier restaurant certifié Ocean Wise au Québec, Le St-Urbain, aurait davantage de réticences à remplacer sa dinde ou son carré de veau par un plat de poisson. Mais il y a toujours des huîtres, du saumon fumé, des rillettes de maquereau ou d'esturgeon sur sa table de Noël. Au restaurant, en revanche, le poisson a bel et bien sa place à toutes les étapes du repas. Le chef et animateur de l'émission La cantine apprécie particulièrement les crevettes tachetées sauvages, la morue charbonnière, le bar rayé et, un secret encore bien gardé, les pétoncles vivants du Québec, distribués par Pec-Nord*. On les trouve sur plusieurs menus de restaurants new-yorkais, comme celui du grand Alain Ducasse, et de quelques tables québécoises (Le St-Urbain, Toqué! et Laurie Raphaël, entre autres), mais le produit est encore méconnu des consommateurs. Marc-André était aussi particulièrement heureux de découvrir la morue de Gooseberry Cove, à Terre-Neuve. Celle-ci est pêchée dans des cages qui ne génèrent aucune capture accessoire. «La coopérative va même jusqu'à transformer l'huile de foie de morue en biogaz», explique le chef engagé qui n'hésite pas à faire pression sur son fournisseur, Norest, pour que celui-ci lui trouve des poissons bien pêchés et non menacés. Au Whalesbone Oyster House, à Ottawa, on ne jure que par la morue du Pacifique pêchée en cage (pot caught cod). «Lorsque les pêcheurs remontent les cages, tout ce qui s'y trouve est encore vivant. Ils peuvent donc remettre à la mer les poissons pêchés accessoirement», explique le propriétaire Joshua Bishop, que certains qualifient d'«ultra-orthodoxe» de la restauration responsable. Dans son resto, son service de traiteur et sa poissonnerie, tous certifiés Ocean Wise, il ne fait aucun compromis et vend uniquement des poissons de la liste verte. Son service de distribution, le Sustainable Oyster&Fish Supply, est même le fournisseur de plusieurs restaurants de la capitale fédérale. Au menu du Whalesbone, dont la chef est Charlotte Langley, on trouve bien sûr plusieurs variétés d'huîtres, mais aussi du brochet, de l'espadon pêché au harpon, du maquereau du Nouveau-Brunswick, de l'aiglefin pêché à la ligne en Nouvelle-Écosse, du flétan sauvage du Pacifique et du bar rayé. Faire apprécier les petits poissons Le restaurant Tapeo n'a aucune certification ni politique éthique ferme. L'idée de servir sardines, maquereau et autres petits poissons est née davantage d'un désir d'offrir une cuisine plus économique et variée dans le quartier Villeray. «Il y a plein d'autres sortes de poissons que le thon et le saumon. C'est comme si on ne mangeait que des oranges et des bananes toute sa vie. À un moment donné, ça prendrait quelqu'un pour nous faire découvrir autre chose!» Bref, il n'y a pas mieux qu'un chef qui sait bien les apprêter pour faire découvrir de nouveaux goûts aux clients frileux. Marc-André Royal, qui estime que les restaurateurs québécois accusent un sérieux retard sur le reste du Canada en matière de certifications éthiques, n'aime rien de plus que d'«éduquer» ses clients dans le respect tant du goût que de la nature. Il reste maintenant à convaincre les poissonneries de suivre l'exemple des grandes surfaces d'alimentation comme Metro et Loblaw. Pour avoir accès à certaines espèces moins courantes, n'hésitez pas à faire pression sur votre poissonnier. Mais surtout, n'hésitez pas à inviter poissons et fruits de mer à table pendant les Fêtes. Les pétoncles Princesse sont vendus à la poissonnerie du marché Atwater, à la poissonnerie Atkins/Les Délices de la mer (marché Jean-Talon et marché du Vieux-Port à Québec). On peut aussi joindre Pec-Nord directement pour une livraison: 1-866-653-7227 ou pecnord.com |
samedi 18 décembre 2010
La mer Noël
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