samedi 18 décembre 2010

Un thé à darjeeling, darling?

Chaque année, à Calcutta, des milliers de commerçants s'entassent les  uns... (Photo: Martin Chamberland, La Presse)
(Darjeeling) Chaque année, à Calcutta, des milliers de commerçants s'entassent les uns sur les autres pour une enchère bien spéciale. Les plus téméraires repartiront fièrement avec des sacs de petites feuilles vertes coûtant plus de 200$ le kilo. On ne badine pas avec le «champagne des thés noirs»: le thé de Darjeeling.
Si l'adage est vrai pour les acheteurs, il l'est tout autant pour les amoureux de la boisson dorée qui désirent en découvrir les secrets.
Pour se rendre dans la région de Darjeeling, il faut un certain sens de l'aventure. Les 87 plantations de thé les plus prisées de la planète se trouvent toutes à plus de 2000 m d'altitude dans les montagnes du Bengale-Occidental, tout près de la frontière du Népal et du Bhoutan.
Il n'y a que 75 km qui séparent la petite ville de Darjeeling de l'aéroport le plus proche, à Bagdogra, ou de la station de train de Siliguri, mais le voyage en 4X4 peut s'étirer sur trois ou quatre heures. Ceux qui choisiront plutôt de sauter à bord du très romantique petit train à vapeur qui fait quotidiennement le voyage en auront pour sept heures.
Au paradis du thé
Arrivé à destination, on oublie cependant bien vite les retards et les éboulements qui bloquent la route: c'est au paradis que pousse le thé de Darjeeling.
En approchant des plantations de thé, nos yeux sont attirés par des dizaines de taches multicolores - rose bonbon, turquoise ou encore orange - suspendues à flanc de montagne, à travers les petits arbres de thé.
En regardant de plus près, on voit apparaître les visages des cueilleuses de thé aux traits népalais et les paniers, fixés sur leur tête, dans lesquels elles déposent les plus belles feuilles de thé qu'elles cueillent à la main. Pas de temps à perdre, elles n'ont qu'une vingtaine d'heures pour cueillir les bourgeons et les feuilles à maturité, sans quoi la qualité du produit aura déjà diminué.
Fasciné par leurs mouvements agiles, on a presque oublié de regarder le décor d'arrière-plan: les sommets de l'Himalaya. Alors que le soleil décline lentement, le deuxième sommet de la chaîne de montagnes, Kanchenjunga, apparaît dans toute sa splendeur.
Le thé et cet impressionnant pic enneigé font parfaitement bon ménage dans la région: tous deux font l'objet d'un véritable culte.
Une histoire indo-britannique
Si aujourd'hui la culture du thé de Darjeeling est dirigée par les Indiens, on doit son essor aux colonisateurs britanniques qui ont eu l'idée de transplanter dans la région himalayenne des théiers originaires de l'Assam, dans l'extrême-est de l'Inde.
Les British ont d'ailleurs laissé une lourde trace sur toute la région de Darjeeling, y compris au Domaine Glenburn où nous avons posé nos sacs pour la nuit.
L'ancienne villa qui servait de maison au planteur de thé d'antan - le roi incontesté du domaine - a été transformée en luxueuse maison d'hôte. Le jeune planteur de thé, Sanjay Sharma, n'y vit plus, mais vient y prendre le dîner tous les soirs avec les visiteurs. Au-dessus d'une table couverte de victuailles, dont d'excellentes feuilles de thé frites, il explique son art.
La gestion de cette magnifique auberge, qui semble sortie d'un livre d'histoire du Raj britannique, a été confiée à la femme d'un ancien planteur de thé, Neena Pradhan qui, toute sa vie de femme mariée, a été responsable des soirées de divertissement sur la plantation.
De la cueillette à la tasse
Le matin est le moment idéal pour enfiler ses bottes afin d'aller visiter l'usine de thé. De la cueillette à la fermentation, on nous apprend tout sur les subtilités de la fabrication de la parfaite tasse de thé... avant de nous la faire goûter. Dans une petite pièce baignée de soleil, on nous présente l'or vert de la plantation. La première récolte, avec ses effluves d'abricot, est la plus chère, mais c'est de la toute dernière récolte, celle de l'automne, que nos papilles s'entichent.
Cinq sacs de thé sous le bras, nous reprenons la route vers un autre incontournable de la région, le Cochrane Place. Le chef de ce petit hôtel excentrique, propriété de jeunes Indiens dynamiques, a préparé un véritable festin à base de thé. Salades de pommes de terre, poissons en sauce, pâtisserie: tout est apprêté à partir du nectar de Darjeeling.
Juste à côté de l'hôtel, où l'on peut aussi recevoir un massage ou un soin du visage au thé, on trouve une des plus célèbres plantations biologiques de tout le district de Darjeeling: Makaibari.
Voulant contribuer à l'essor touristique de la région, cette plantation a encouragé ses employés à ouvrir leur maison aux visiteurs. Après une nuit de luxe au Domaine Glenburn, rien de mieux que de revenir sur le plancher des vaches sacrées dans une petite case rudimentaire.
La visite des plantations de thé pourrait prendre des semaines dans la région, mais un séjour de quelques jours doit absolument prévoir un arrêt à Darjeeling, ville qui a donné son nom à la région. On peut passer des heures à déambuler dans ses rues labyrinthiques, parsemées d'escaliers et de joyaux de l'architecture indo-britannique du XIXe siècle, ainsi qu'à regarder sa population hétéroclite, à la fois tibétaine, népalaise et indienne. Et on peut, bien sûr, y prendre une dernière tasse de thé.

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