dimanche 19 décembre 2010

Minuit chrétien: aussi vrai que cliché

Les acteurs évoluent dans une demeure ouverte comme... (Photo fournie par Duceppe)
L'air de Minuit, chrétiens résonne deux fois au cours de la pièce de Tilly. Il s'élève au moment du lever de rideau, comme une musique d'ambiance qui contribue à planter le décor de ce réveillon de Noël en famille. Il revient ensuite juste avant la chute du rideau, mais n'élève plus rien du tout. Sa solennité s'impose dans un silence lourd, comme un couvercle qu'on cherche à poser sur des émotions qui remuent à gros bouillon.
La pièce à l'affiche chez Duceppe n'a rien du beau conte de Noël. Le contraire serait plus juste. La soirée s'annonce pourtant sans histoire. Georgette (Michèle Deslauriers), comme toutes les mères, court dans tous les sens afin que tout soit en place pour l'arrivée des invités. Elle pousse dans le dos de sa vieille mère (Adèle Reinhardt) qui traîne en robe de chambre et peste contre son mari Pierre (Gilles Renaud), rentré un peu pompette, qui ne se presse ni pour ouvrir les huîtres ni pour sortir le vin.
Ce trio est bientôt entouré du reste de la famille: la soeur snob et son mari médecin (Monique Spaziani et Yves Amyot), la fille pas de classe (Émilie Bibeau), le gendre militaire plutôt épais (Bobby Beshro) et le fils, Pascal (Vincent-Guillaume Otis), transplanté à Montréal et pas vraiment content d'être là. Deux intruses complètent cette galerie de personnages aussi vrais que clichés: une amie de la famille que tout le monde méprise un peu (Chantal Baril) et Lou (Anne-Élisabeth Bossé), qui s'amuse de ce souper finalement pas banal.
Si chacun s'efforce de garder l'humeur festive de convenance, cette convivialité feinte s'effrite bientôt. Rivalité entre soeurs, mésentente quant au sort de la grand-mère, infidélité de l'un, bêtise de l'autre et c'est sans compter les blagues salaces ou les commentaires sur les «fifs» et les «races» qui font des étincelles. «C'est très folklorique», prévient Pascal, lorsqu'il invite Lou à le rejoindre.
Minuit chrétien déborde en effet de lieux communs. L'adaptation québécoise qu'en a faite René Richard Cyr donne d'ailleurs l'impression de se trouver devant un mélange des Voisins (Saïa et Meunier) et de 24 poses (Serge Boucher) transposé dans l'univers d'un Michel Tremblay plus bourgeois, mais où le non-dit pèse toujours si lourd qu'il ne peut que faire des ravages lorsque les mots sortent enfin.
La caricature n'est pas sans portée. Elle incite bien sûr à réfléchir à la sincérité de nos réunions familiales, au sens à donner au réveillon, au-delà de l'orgie de cadeaux. Mais si la manière du dramaturge colle à la réalité - les fissures se révèlent à la faveur d'un bavardage presque incessant -, la production manquait encore d'élan jeudi soir.
Le calibrage imparfait de cette complexe partition à 10 voix, qui se déploie simultanément dans plusieurs des pièces de cette demeure ouverte comme une maison de poupée, faisait que certaines répliques tombaient à plat. Gilles Renaud (excellent en mononcle faussement libidineux) et Émilie Bibeau (méconnaissable en pimbêche à la voix nasillarde) se démarquent d'emblée dans cette distribution où brillent également Michèle Deslauriers et Chantal Baril, dont le personnage un peu pathétique s'avère finalement le plus sincère de tous.

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