mardi 28 décembre 2010

L’interminable crise politique fatigue les Belges

Devant le château royal, à Bruxelles, le 17 juin 2010 (Waem/AFP).


«L’union fait la farce ! » Cette boutade populaire, mêlée d’humour et de dépit, et qui tord la devise nationale belge – « L’union fait la force » –, ne date pas d’hier. Mais, en cette fin d’année, elle reprend du service, la plupart des Belges à qui l’on demande un commentaire sur la crise politico-communautairepréférant changer de sujet.

Après six mois de tractations politiques sans résultat entre les sept partis pressentis pour la formation d’un gouvernement fédéral, la question de la méthode pour sortir de l’impasse est plus que jamais d’actualité. Mais, aujourd’hui, les esprits sont ailleurs et le sujet ne fait plus partie des conversations du quotidien.

« Qu’en dire ? soupire ce médecin bruxellois. On ne parvient même plus à s’y intéresser ! » « Mais, vous savez, entre-temps, c’est devenu une spécialité belge d’être patient, de se taire et de continuer à payer ses impôts sans broncher », poursuit l’homme, désabusé.

Désintérêt, sentiment d’impuissance et apathie dominent

« Le ton des négociations communautaires est dur, leur teneur de plus en plus technique ; les gens ont donc en effet complètement décroché », explique Jean Faniel, du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp) à Bruxelles. Désintérêt, sentiment d’impuissance et apathie dominent.

« En régime d’affaires courantes, les grandes réformes douloureuses sont reportées, et l’absence d’un gouvernement fédéral de plein exercice n’a jusqu’à maintenant pas eu vraiment de répercussion sur la vie quotidienne des citoyens : les salaires des fonctionnaires sont payés, les allocations de chômage versées, les transports et les hôpitaux fonctionnent, bref, la vie continue », commente encore le politologue, en faisant référence au bon fonctionnement des trois communautés (française, flamande et germanophone qui, depuis la fédéralisation de la Belgique il y a quarante ans, gèrent en exclusivité les matières dites « personnalisables » (l’enseignement et la culture, notamment), et des trois régions (Flandre, Wallonie et Bruxelles) qui, elles, disposent déjà d’une autonomie étendue en matière d’économie, d’emploi, d’aménagement du territoire, d’agriculture ou d’énergie...

Chez ceux qui n’ont pas encore perdu le fil de ces négociations communautaires, un nouveau clivage se superpose aux traditionnelles lignes de fracture linguistiques et idéologiques, entre les « plutôt optimistes » et les « plutôt pessimistes ».

Les premiers minimisent la gravité de la situation et pensent qu’un énième « compromis à la belge » finira par être trouvé. « On est habitués, ça fait cent quatre-vingts ans que ça dure ! Et aujourd’hui, malgré les sirènes du “plan B” ou de la scission du pays, la Belgique est toujours inextricable. On reste donc condamnés à s’entendre ! », assène cet entrepreneur namurois.

« C’est la pression extérieure qui finira par siffler la fin de la récréation »

Les pessimistes, eux, ne voient plus, chez les représentants des deux communautés, ni projet commun ni véritable sens du compromis politique. « Au bout de six mois de négociations, et malgré quelques avancées techniques sur les transferts financiers aux régions, il ne me semble pas que les esprits soient vraiment mûrs pour conclure, analyse Carl Devos, politologue flamand à l’université de Gand. On est encore très loin d’un nouveau pacte communautaire ! »

Combien de temps les discussions institutionnelles et communautaires peuvent-elles encore hypothéquer la mise en place d’un gouvernement de plein exercice ? « C’est sans doute la pression extérieure qui finira par siffler véritablement la fin de la récréation », estime Dave Sinardet, politologue de l’université d’Anvers, qui fait autorité.

Lors de leur visite annuelle au début du mois, les experts du FMI, tout en reconnaissant les « très bons fondamentaux économiques » de la Belgique, ont souligné qu’elle devait assainir « sans délai » ses finances publiques, expliquant que l’impasse politique persistante risquait de miner la confiance des investisseurs. 

La note de la Belgique pourrait être abaissée d’ici à six mois

Et l’agence de notation Standard & Poor’s a estimé que la note souveraine de la Belgique pourrait être abaissée d’ici à six mois, si les réformes structurelles pour l’assainissement des dépenses publiques n’étaient pas mises en place.

Dans ce contexte, aucun des partis impliqués dans les négociations gouvernementales ne peut se permettre de faire échouer le processus. Il semblerait aussi, selon les derniers sondages, que les Belges sont opposés à l’idée de rebattre les cartes électorales.

Avant Noël, faute de budget pour 2011, l’Assemblée plénière de la Chambre a donc adopté le projet de loi de finances qui permet de fonctionner selon des « douzièmes provisoires » et d’octroyer les moyens nécessaires aux départements fédéraux en période d’affaires courantes.

Une première tranche est désormais libérée jusqu’à fin mars. « De quoi pouvoir sereinement finir l’année, conclut Carl Devos. Après, un compromis rapide sera impératif, si on exclut le scénario de nouvelles élections. Espérons donc que la trêve de Noël fasse mûrir les esprits ! »

Raphaëlle D’YVOIRE  source:la croix

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