lundi 27 décembre 2010

Les «nombreux défis» de la Chine pour 2011

Lors de la conférence économique annuelle, clôturée le 12 décembre, les responsables chinois se sont engagés à garantir en 2011 un développement économique «stable et sain».
Lors de la conférence économique annuelle, clôturée le 12 décembre, les responsables chinois se sont engagés à garantir en 2011 un développement économique «stable et sain».

Les mesures de relance et les investissements massifs destinés à amortir les effets de la crise ont nourri l'inflation et le surendettement. Le rééquilibrage du développement économique sera la priorité du gouvernement l'an prochain.

Prudence. Les autorités chinoises n'ont plus que ce mot à la bouche. Lors de la conférence économique annuelle, clôturée le 12 décembre, les responsables chinois se sont engagés à garantir en 2011 un développement économique «stable et sain», a rapporté l'agence officielle Chine Nouvelle. La semaine précédente, le Bureau politique du Parti communiste avait annoncé un resserrement de la politique monétaire chinoise pour l'an prochain, anticipant de «nombreux défis». C'est pourquoi, en 2011, la Chine doit accélérer la mutation structurelle de son modèle économique, estiment les analystes. Malgré la batterie de mesures prises par Pékin pour juguler la hausse des prix, notamment dans l'immobilier, et l'octroi de crédits, le risque de surchauffe de l'économie chinoise n'est pas écarté.
• Le spectre de l'inflation resurgit
L'indice des prix à la consommation a augmenté en novembre de 5,1% sur un an, après une hausse de 4,4% en octobre, a annoncé le Bureau national des statistiques (BNS). Sur les onze premiers mois de l'année, la progression en glissement annuelle est de 3,2%, dépassant la limite des 3% que s'était fixée le gouvernement. Pour 2011, la Chine fixera son objectif d'inflation autour de 4%, a d'ores et déjà prévenu la direction de la Commission nationale de réforme et de développement. «L'inflation érode rapidement le pouvoir d'achat des ménages. Les ventes de vêtements et de biens non durables se tassent de manière significative», prévient Wei Yao, économiste Chine chez Société Générale CIB. Une mauvaise nouvelle pour Pékin, qui cherche à relever la part de la consommation intérieure dans le revenu national.L'inflation est nourrie par la quantité d'argent injectée dans l'économie chinoise depuis la crise financière mondiale. Les mesures de soutien s'étaient élevées à 4000 milliards de yuans (455 milliards d'euros) et le gouvernement avait ouvert très largement les vannes du crédit.


• La politique monétaire chinoise sous pression
«Dans l'ensemble, la politique monétaire de la Chine sera plus restrictive en 2011, car les autorités veulent appuyer sur le frein pour ralentir le mécanisme de création de monnaie», commente Hervé Liévore, stratégiste chez Axa Investment Managers. En novembre, les banques chinoises ont octroyé 64 milliards d'euros de crédits. Le montant total des crédits accordés depuis janvier a grimpé à 841 milliards d'euros, alors que le gouvernement central avait fixé un plafond de 848 milliards pour 2010. Afin d'endiguer ce débordement, la Banque populaire de Chine (POBC) a déjà relevé six fois le taux de réserves obligatoires des banques. Elle a par ailleurs annoncé le jour de Noël un relèvement d'un quart de point (0,25%) de ses taux d'intérêt sur les emprunts et les dépôts , à compter du 26 décembre, les augmentant ainsi à 5,81% et 2,75% respectivement. La Banque centrale avait déjà relevé le 19 octobre les taux directeurs de 25 points de base (0,25 point de pourcentage), et ce pour la première fois en près de trois ans. Ce relèvement a été salué par les analystes. «L'arme la plus importante contre l'inflation est de relever les taux», a estimé Shen Jianguang, analyste chez Mizuho Securities basé à Hong Kong. «La Banque centrale a besoin de faire cela pour gagner en crédibilité dans sa lutte contre l'inflation», a ajouté Ken Peng, économiste de Citigroup basé à Pékin. Peu avant cette annonce, Wei Yao, de Société Générale CIB, estimait en effet que «l'absence d'une nouvelle hausse des taux d'intérêt d'ici à la fin de l'année montrerait que Pékin rechigne au resserrement (de sa politique monétaire, NDLR), ce qui serait un signal négatif pour les perspectives de l'économie chinoise en 2011». Les analystes s'attendent à ce que cette dernière hausse des taux soit suivie d'autres l'année prochaine.
• Les prix immobiliers continuent de flamber
L'abondance de liquidités en circulation dans l'économie chinoise, couplée avec la faible rémunération de l'épargne, incitent d'autant plus les Chinois en quête de placements, à se ruer sur l'immobilier. «La sous rémunération de l'épargne et les performances en dents de scie des marchés boursiers alimentent les bulles», constate Hervé Liévore, d'Axa IM. Depuis le mois d'avril, le gouvernement central a pris des mesures pour freiner les investissements immobiliers, en resserrant les vannes du crédit ou en interdisant les prêts pour l'achat d'une troisième résidence. La bulle immobilière ne cesse pourtant pas de gonfler. Dans un rapport publié début décembre, l'Académie des Sciences Sociales calcule qu'un tiers des grandes villes chinoises propose des appartements 30% à 50% plus cher que leur valeur réelle, compte tenu du niveau de vie local et de l'offre immobilière.

L'Académie des Sciences Sociales estime que 85% des foyers chinois n'ont pas les moyens de s'acheter leur maison. Crédit photo : AP
L'Académie des Sciences Sociales estime que 85% des foyers chinois n'ont pas les moyens de s'acheter leur maison. Crédit photo : AP Crédits photo : Ng Han Guan/ASSOCIATED PRESS

Selon le gouvernement, les prix des appartements relevés en octobre dans 70 grandes villes étaient en hausse de 0,2% sur un mois et de 8,6% sur un an. L'Académie des Sciences Sociales, qui table sur une hausse des prix de l'immobilier de 15% pour 2010, estime que 85% des foyers chinois n'ont pas les moyens de s'acheter leur maison. Selon le stratégiste d'Axa IM, toutefois, l'inflation dans l'immobilier devrait se tasser. «Depuis le second trimestre, l'évolution mensuelle de cette inflation est inférieure à l'évolution en glissement annuel. Les mesures prises par le gouvernement commencent à porter leurs fruits.»
• Les marchés anticipent une décélération de la croissance chinoise
Selon les données officielles, l'économie chinoise a augmenté de 9,6% en moyenne annuelle au troisième trimestre, contre 10,3% au deuxième trimestre et 11,9% au premier. La Banque mondiale a récemment relevé ses estimations de croissance pour la Chine en 2010, à 10%, contre 9,5% auparavant. L'institution s'attend à une décélération en 2011, avec une croissance du PIB chinois de 8,7% (contre 8,5% précédemment). «Dopée par les secteurs minier, énergétique et manufacturier, la production industrielle est de nouveau en phase d'accélération depuis septembre», observe cependant Hervé Liévore, selon qui l'activité manufacturière restera «satisfaisante» au quatrième trimestre et au premier semestre de 2011. La production industrielle a gagné plus de 13% en novembre, après un bond de 16,3% en octobre. «L'activité dans les services est en revanche plus inquiétante», note le stratégiste d'Axa IM. L'indice PMI des services est ainsi tombé à son plus bas niveau depuis neuf mois en novembre, à 53,2 contre 60,5 en octobre, selon la Fédération chinoise de la logistique et des achats. «Ces zones de fragilité de l'économie chinoise devraient encourager les autorités à ne pas relever le taux directeur trop rapidement», selon Hervé Liévore. Pour l'instant, les signaux sont majoritairement au vert. Le volume des importations et celui des exportations ont tous deux battu un record mensuel, d'après les douanes chinoises. L'excédent commercial de la Chine atteint 22,9 milliards de dollars sur le mois de novembre. Des résultats qui pourraient nourrir les critiques persistantes des Etats-Unis et de l'Union européenne sur la politique des changes de Pékin.
• La sous-évaluation du yuan sous le feu des critiques
«L'environnement est propice à ce que la Chine maintienne en gros le taux de change du yuan à un niveau stable», fait valoir un éditorial publié mi-décembre dans The Financial News, le journal édité par la Banque centrale chinoise. Le texte met en avant la réduction progressive de l'excédent courant chinois et la volatilité des autres devises internationales sur un marché agité. «La priorité de la Chine en 2011 sera toujours de stabiliser le taux de change du yuan, non seulement face au dollar, mais aussi face aux monnaies des autres grandes puissances, comme l'euro et le yen. Il est donc peu probable que les autorités lâchent du lest et décident une appréciation majeure du yuan l'année prochaine», commente Hervé Liévore, selon qui la monnaie chinoise restera «source de pression politique».

Les partenaires commerciaux de la Chine continueront de maintenir la pression sur le sujet du yuan. Crédit : AFP
Les partenaires commerciaux de la Chine continueront de maintenir la pression sur le sujet du yuan. Crédit : AFP Crédits photo : EYEPRESS/ASSOCIATED PRESS

Les partenaires commerciaux de la Chinecontinueront à lui demandent de mener des politiques qui réduisent son excédent commercial. Cependant, pour Patrick Artus, directeur des recherches économiques de Natixis, cette critique des pays occidentaux est infondée. «Ces excédents commerciaux devraient disparaître avec la mise en place progressive du nouveau modèle de croissance de la Chine basé sur la consommation», écrit-il dans une note récente. «Ce modèle devrait apporter une appréciation réelle du yuan», ajoute-t-il. Si les autorités chinoises se montrent prudentes pour 2011, leurs partenaires mondiaux devront, eux, s'astreindre à la patience.
la source:le figaro

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