lundi 27 décembre 2010

Affaire Khodorkovski, sept ans d'acharnement

Mikhael Khodorkovski, lors de son deuxième procès, le 27 décembre.
Mikhael Khodorkovski, lors de son deuxième procès, le 27 décembre. Crédits photo : Sergey Ponomarev/AP

Emprisonné en Sibérie depuis sept ans, l'oligarque russe a été à nouveau condamné lundi, cette fois pour vol de pétrole. Vengeance politique, asservissement du milieu des affaires... Les raisons de la descente aux enfers de l'ex-patron de Ioukos sont multiples et ténébreuses.

Sept ans après son arrestation, l'ex-patron de l'empire du pétrole Ioukos, l'ex-première fortune de Russie, Mikhael Khodorkovski, a été une nouvelle foiscondamné ce lundi par les juges moscovites pour vol de pétrole. Il risque de passer 14 ans supplémentaires dans une prison sibérienne. La lecture de la condamnation risque de durer plusieurs jours, voir plusieurs semaines. Pour nombre d'observateurs occidentaux, il ne s'agit pas de justice, mais d'acharnement.
Remonter aux sources de l'affaire Ioukos, c'est se replonger dans les milieux d'affaires troubles du début des années 2000. Le président russe de l'époque et aujourd'hui premier ministre, Vladimir Poutine, assoit alors son pouvoir au Kremlin et étend son influence dans les sphères économiques, après le délitement de l'ère Eltsine.

Chasse aux oligarques


En face de lui, les nouveaux seigneurs des affaires se nomment Roman Abramovitch et, surtout, Mikhael Khodorkovski. Ce dernier s'est vu offrir Ioukos en 1995 par Boris Eltsine en remerciements du financement de sa campagne. Vladimir Poutine s'entend d'abord avec le favori de l'ex-président. Avant de le prendre pour cible dans le contexte d'une chasse aux oligarques très médiatique.
Le patron de Ioukos n'a pas froid aux yeux. Il ose s'en prendre directement à Poutine lors d'une réunion au Kremlin en 2003, critiquant la corruption endémique. Poutine lui demande au tac au tac s'il est lui-même à jour avec le fisc. Dans la foulée, une enquête fiscale est lancée à l'encontre de Ioukos, puis des proches de l'oligarque sont arrêtés. Le 25 octobre de la même année, Khodorkovski est à son tour interpellé pour escroquerie et évasion fiscale à grande échelle. La justice saisit les actions Ioukos pour, dit-elle, financer les amendes à venir. Panique sur les marchés. Les investisseurs étrangers prennent peur.

Ioukos dépecé


Le pouvoir russe ne s'arrête pas là et mène de front le dépeçage de Ioukos et la charge judiciaire contre son patron. En 2004, les actifs de la compagnie sont gelés. Rosneft, contrôlé par le Kremlin, récupère le joyau du groupe, sa filiale de production Iouganskneftegaz. En parallèle, Khodorkovski comparaît devant les juges. Il écope finalement, en mai 2005, de 8 ans de prison. «Ma condamnation a été décidée au Kremlin», lance-t-il.
Ce n'est que le premier acte de la longue descente aux enfers de Ioukos et de son richissime patron. En 2006, Ioukos est liquidé car il ne peut pas rembourser les 27 milliards de dollars que lui réclament le fisc russe. En 2007, de nouvelles accusations sont lancées contre Khodorkovski. Cette fois pour blanchiment d'argent et détournement de biens.

Un procès kafkaïen


Le nouveau procès débute le 3 mars 2009. Du Kafka : l'ancien patron ruiné (sa fortune était principalement constituée d'actions Ioukos) est accusé, avec son bras droit, d'avoir détourné la quasi-totalité de la production pétrolière de son groupe. Production sur laquelle il avait été accusé de ne pas payer d'impôt en 2005. Le verdict est donc rendu ce 27 décembre : Mikhael Khodorkovski est reconnu coupable. Et ce, même si des proches du président russe Dimitri Medvedev, qui se veut libéral, plaident pour un acquittement.
Pourquoi un tel acharnement du pouvoir contre cet oligarque ? Certains y voient une vengeance personnelle de Poutine, ou une reprise en main du monde des affaires par les hauts fonctionnaires et le Kremlin. D'autres interprètent la chute du patron de Ioukos comme un avertissement lancé aux oligarques qui aimeraient se mêler de politique.
Certains encore y lisent la volonté de Poutine de conserver le secteur énergétique dans le giron russe, alors que Khodorkovski aurait voulu vendre 51% des parts à l'américain Exxon Mobile. L'Occident a compris un message peut-être simpliste, mais clair, comme le formule Lilia Shevtsova, de l'institut Carnegie: «la condamnation de Khodorkovski a montré que les autorités russes ont préféré le capitalisme bureaucratique et brutal à la démocratie libérale.»
la source:le figaro

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire