dimanche 26 décembre 2010

La face cachée des plaquettes sanguines

Éric Boilard, chercheur du CHUQ, a mis en... (Le Soleil, Patrice Laroche)
(Québec) Longtemps ignorées par la recherche, les plaquettes sont ramenées
sous les projecteurs par un chercheur du CHUQ.

Du point de vue de la recherche médicale, les plaquettes ont longtemps été une sorte de «vilain petit canard». Pas trop sexy. Relativement ignorées. Mais en janvier dernier, Éric Boilard, un chercheur du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ), les a en quelque sorte transformées en cygne (moyennant un petit effort d'imagination) en leur découvrant un lien jusque-là très sous-estimé avec l'arthrite et, possiblement, plusieurs autres maladies.
Rôle connu
Les plaquettes sont cette partie du sang responsable de la coagulation, qui fait que l'on ne se vide pas de son sang quand survient une blessure. Elles sont connues depuis très longtemps, mais à part les maladies qui affectent les plaquettes elles-mêmes ou qui impliquent leur capacité à s'agréger (c'est le cas de l'arthérosclérose), on présumait qu'elles avaient peu à voir avec les autres maladies.
«Il y a des vieilles publications où des gens avaient montré que lorsqu'il y avait arthrite, il semblait y avoir dans le sang des dysfonctionnements au niveau des plaquettes, mais [...] ça restait toujours un peu obscur. Des articles disaient "Il semble y avoir quelque chose avec les plaquettes," mais ça n'allait jamais au-delà de ça», dit le Dr Boilard.
Lui-même, dit-il d'ailleurs d'emblée, ne s'y intéressait pas spécialement, son laboratoire étant plutôt consacré à l'arthrite. Mais en analysant la composition du liquide qui lubrifie (entre autres fonctions) les articulations, nommé liquide synovial, le chercheur s'est aperçu que les genoux de patients qui font de l'arthrite inflammatoire contenaient des particules qui ne se trouvent pas dans les articulations saines. «Avec une technologie sans doute plus avancée que ce qui avait été utilisé dans le passé, j'ai pu voir plein de petites choses, se souvient-il : il y avait des cellules, comme il y en a tout le temps dans le liquide synovial des gens qui font de l'arthrite, mais en plus, j'ai aussi vu des quantités énormes de choses encore plus petites. Et c'est en s'y attardant qu'on a vu que ça venait des plaquettes.
Détection
«Ces microparticules, on en a détecté des quantités vraiment abondantes dans les liquides synoviaux des patients qui ont de l'arthrite. Et ce n'est pas juste anodin, elles ne sont pas là par hasard, elles participent à la maladie et à l'inflammation en transportant des molécules inflammatoires.»
Dans un article publié dans Science et dont il est le premier auteur, le Dr Boilard montre que ces «microparticules» sont en fait des fragments de plaquettes. Ces morceaux s'en détachent quand un récepteur particulier à la surface des plaquettes, récepteur que tous ne possèdent pas, est activé.
Afin de prouver le lien entre ces fragments et l'arthrite, le chercheur et son équipe ont mené des expériences sur des souris modifiées - un groupe de rongeurs n'avaient carrément pas de plaquettes, alors qu'un autre en possédait mais n'avait pas le fameux récepteur. Et dans les deux cas, il s'est avéré que ces souris souffraient nettement moins d'arthrite que les souris «normales».
Parmi les meilleurs
Cette publication a d'ailleurs été classée parmi les cinq articles les plus importants de 2010 par le prestigieux groupe Faculty of 1000, une organisation de chercheurs qui identifie et évalue les travaux les plus marquants en biologie et en médecine.
Et pour cause : non seulement le lien entre les fragments de plaquettes et l'arthrite était-il inconnu, mais c'est tout ce que l'on croyait savoir sur le rôle général des plaquettes dans les maladies que l'article du Dr Boilard incite à revoir.
Autres maladies
«On parle d'arthrite dans l'article, mais beaucoup de gens qui étudient d'autres maladies en ce moment nous appellent parce qu'ils se disent que ça peut avoir un lien avec leur objet de recherche. Et peu après notre publication, il y a un groupe français qui a montré que les plaquettes avaient un rôle dans le lupus, et je ne serais pas surpris d'apprendre que les plaquettes jouent un rôle dans d'autres maladies. C'est juste qu'on ne les avait pas étudiées, parce qu'on se disait : "Ce sont juste des plaquettes, ça sert à la coagulation et puis c'est tout."»
Et comme le veut le dicton : on trouve ce que l'on cherche, et on a peu de chance de trouver ce qu'on ne cherche pas...
source:cyberpress

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